1. Giammarino SA est une entreprise familiale crée en 1981. Racontez-nous ses débuts.
Je ne peux pas vraiment raconter les débuts avec précision, car en 1981, je n’avais que quatre ans. Cependant, papa et maman m’en ont souvent parlé, et c’est à travers leur regard que je vais tenter de répondre à cette question.
Suite à certains événements marquants, que je n’aborderai pas ici, mon père a dû prendre la décision courageuse de se mettre à son compte.
Formé en horticulture en Italie et ayant grandi dans une famille agricole, proche de la nature, il a relevé ce défi avec détermination.
Il a commencé par entretenir des jardins seul, puis a rapidement embauché un employé pour l’accompagner dans ses projets.
À cette époque, mes parents étaient divorcés, mais ils se sont remis ensemble alors que l'entreprise commençait à prendre de l'ampleur.
Maman a naturellement pris en charge le secrétariat, et c'est ainsi que l’entreprise, à l’époque nommée Giammarino Pietro jardinier-Paysagiste, a connu une croissance continue, pour devenir ce qu'elle est aujourd'hui.
Quant à moi, mon premier véritable souvenir lié à l'entreprise remonte à 1990. J’avais 13 ans, et je me souviens de mon premier "coup de pelle", dans un tas de sable chez un voisin. Nous préparions le sol pour un sursemi, et je rêvais alors d’un vélo que je voulais m’acheter.
C’est à ce moment-là que papa m’a appris une leçon essentielle : rien ne vient sans effort.
Avec un minimum de travail, il est possible d’atteindre ses objectifs. Cette leçon m'accompagne encore aujourd’hui, et je lui en suis profondément reconnaissant.
2. Vous avez repris les rênes en 2020, qu’est-ce que cela a changé et quelles sont les valeurs que vous prônez ?
Je n’ai pas repris les rênes de l’entreprise en 2020, mais ce fut une étape importante pour moi et pour notre équipe.
L'histoire de l'entreprise remonte à 1981, lorsque papa a commencé à œuvrer seul dans les jardins.
En 1987, l’entreprise a été officiellement inscrite au registre du commerce et, depuis lors, elle n’a cessé de grandir, comme je l’ai mentionné plus tôt.
J’ai intégré l’entreprise en 2000, et c’est en 2005 que nous sommes devenus associés, d'abord en tant que SNC, avant de transformer l’entreprise en SA en 2012.
En 2009, après avoir consolidé notre partenariat avec mon père, j'ai proposé d'intégrer Christophe Chaboudez, mon ami et collègue, comme co-directeur. Avec la pleine confiance de mon père, nous avons réuni nos forces : la fougue de la jeunesse, la sagesse de l’expérience, mon dynamisme et la sérénité de Christophe. Cette complémentarité a permis à l’entreprise de se développer à tous les niveaux.
L'année 2012 fut particulièrement marquante pour moi, car elle a coïncidé avec l’obtention d’un de mes plus gros mandats pour un vaste projet à Gollion.
La réussite de ce chantier a solidifié la confiance entre papa et moi, et notre collaboration est devenue encore plus étroite à partir de ce moment-là.
En 2020, papa m’a finalement laissé les rênes de l’entreprise, me permettant de diriger en toute liberté, ou presque. Si l’entreprise est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est grâce à cette confiance, cette collaboration, et à l’esprit d’innovation que nous avons su maintenir à chaque étape de notre évolution.
3. Vous accueillez régulièrement des apprentis. Que souhaitez-vous transmettre aux futures générations de paysagistes ?
En accueillant régulièrement des apprentis, notre objectif est de leur transmettre avant tout le plaisir et la passion qui animent notre métier de paysagiste.
Nous souhaitons qu’ils comprennent l’importance du soin apporté au patrimoine végétal et qu’ils s’imprègnent de l'exigence d'excellence qui fait partie de notre ADN.
Bien que notre métier soit parfois exigeant physiquement, il offre une immense satisfaction : voir un projet prendre forme et évoluer dans le temps est une récompense en soi.
Chaque espace vert, bien entretenu, gagne en beauté au fil des années, un aspect que nous valorisons particulièrement dans notre travail.
Aujourd'hui, il peut être difficile de trouver de la main-d'œuvre véritablement passionnée. C’est pourquoi il est essentiel de savoir mettre en avant les multiples aspects gratifiants de notre profession, que ce soit la créativité, la connexion avec la nature ou l'impact durable que nous laissons sur les espaces que nous façonnons.
En tant que formateurs, notre mission est de susciter cette passion chez les nouvelles générations et de leur offrir les outils nécessaires pour exceller et contribuer activement à la préservation et à l’embellissement de notre environnement.
4. En 40 ans d’activité, les enjeux du paysagisme ont-ils évolué ? Comment les intégrez-vous à vos pratiques actuelles ?
Les enjeux du paysagisme ont considérablement évolué au cours des quarante dernières années.
Dans les années 1980, le métier se concentrait principalement sur des aspects esthétiques, favorisant des pelouses bien entretenues et des plantations exotiques, avec peu d'attention portée à l'impact environnemental.
L’utilisation de produits chimiques pour l'entretien des espaces verts, les tailles radicales des arbres et le manque de prise en compte de la biodiversité étaient alors des pratiques courantes. À cette époque, l'accent n'était pas mis sur la gestion durable des ressources naturelles, mais sur l'apparence des aménagements.
Aujourd'hui, les pratiques paysagistes ont pris un tournant écologique majeur. Nous favorisons désormais l'adaptation aux écosystèmes locaux en utilisant des méthodes plus respectueuses de l'environnement, telles que la plantation d'espèces indigènes, la gestion différenciée des espaces verts et des tailles douces des arbres.
Ces pratiques permettent à la végétation de s’épanouir naturellement tout en réduisant l'empreinte écologique.
Dans nos projets, nous intégrons également des solutions telles que la réutilisation des matériaux, la création de murgiers et de tas de branches pour encourager la biodiversité, et l'installation de bassins de rétention pour gérer les eaux pluviales.
Ces actions contribuent à la préservation des écosystèmes et à la gestion durable de l'eau. Par ailleurs, la semence de prairies fleuries, moins consommatrices en eau et en engrais, constitue une alternative aux pelouses traditionnelles et soutient la biodiversité local.
L’introduction de machines électriques, bien qu’elle ne résolve pas encore le problème de la pollution, aide à réduire les nuisances sonores, ce qui représente un pas important vers un travail plus respectueux de l’environnement.
Nous restons constamment à l'écoute des évolutions dans le domaine écologique afin de proposer des solutions qui allient fonctionnalité, esthétique et respect de la nature dans tous nos projets.
5. Travaillez-vous en collaboration avec des pépiniéristes et des horticulteurs ?
Nous faisons tout notre possible pour collaborer avec des pépiniéristes et horticulteurs locaux, mais en raison des défis spécifiques liés à la production végétale, nous devons parfois élargir nos horizons au niveau européen.
En effet, plusieurs facteurs entrent en jeu. Par exemple, certaines variétés de plantes nécessitent des climats ou des conditions de culture spécifiques que nos pépinières locales ne peuvent pas toujours offrir.
Cela est particulièrement vrai pour les espèces résilientes qui sont de plus en plus recherchées pour faire face aux changements climatiques.
De plus, certaines pépinières locales n'ont pas l'espace ou les ressources nécessaires pour répondre à des demandes de grande échelle.
Elles collaborent alors avec des partenaires européens, notamment des pays comme les Pays-Bas, l'Allemagne ou l'Italie, qui disposent de structures plus grandes et plus spécialisées dans certaines variétés ou technologies horticoles.
Enfin, la diversité des espèces végétales est également un facteur clé.
Les pépiniéristes européens, grâce à une longue tradition de recherche et d'innovation, sont souvent en mesure de fournir une palette végétale beaucoup plus large, répondant aux exigences esthétiques et écologiques de nos projets paysagers.
Cette coopération au sein de l'Union européenne permet également un échange de connaissances et de bonnes pratiques, crucial dans un secteur en constante évolution.
6. Qu’est-ce qui vous démarque des autres entreprises de paysagisme de la région ?
Ce qui nous démarque des autres entreprises de paysagisme de la région, c’est avant tout notre attention aux détails. Le diable est dans les détails, et nous veillons à ce que chaque projet soit exécuté avec une précision méticuleuse, qu’il s’agisse d’une plantation, d’un aménagement ou d’un entretien. Le respect des délais est une autre valeur clé : nous savons à quel point il est crucial pour nos clients de voir leurs projets livrés à temps.
En tant qu’entreprise formatrice, nous transmettons notre savoir-faire à la prochaine génération de paysagistes. Nous accueillons des apprentis pour les former aux exigences du métier, tout en maintenant un haut niveau d'expertise grâce à la formation continue de nos collaborateurs.
Cela nous permet de rester à la pointe des techniques modernes, que ce soit avec l'utilisation de matériels électriques innovants ou le renouvellement constant de notre parc machines.
Nous disposons également d’un bureau d’étude interne composé de techniciens, d'architecte paysagiste et de spécialistes (avec brevets et maîtrises), garantissant une expertise complète de la conception à la réalisation.
Nos équipes sur le terrain, composées de professionnels certifiés (CFC horticulteurs paysagistes), veillent à la parfaite exécution des travaux, tout en respectant les normes de sécurité strictes, notamment l’utilisation d’EPI (équipements de protection individuelle) et le matériel de grimpe à la corde pour les interventions acrobatiques, telles que la taille d’arbres.
Pour assurer une efficacité et une sécurité maximales, nous utilisons un programme informatique de pointe qui, grâce à la technologie des tablettes, permet à nos équipes de transmettre en temps réel des rapports avec photos directement au bureau.
Cela améliore non seulement la communication, mais aussi la qualité et la réactivité des interventions.
De plus, nous avons un atelier interne pour la maintenance régulière de nos machines et outils, garantissant que tout notre matériel est vérifié et opérationnel en permanence, ce qui se traduit par un gain de sécurité, de qualité et d’efficacité sur chaque projet
7. Y a-t-il un projet de paysagisme réalisé au sein de Giammarino SA qui vous a particulièrement marqué ?
Oui, deux projets ont particulièrement marqué mes débuts et continuent de nous différencier aujourd'hui.
Le premier est une toiture végétalisée avec des patios proche de l'aéroport de la Blécherette.
Ce projet, réalisé avec un substrat allégé, présentait un défi technique important à l'époque, car il s'agissait de gérer la portance limitée tout en assurant une rétention d'eau optimale.
Nous avons utilisé un substrat minéral léger, capable de retenir l'eau tout en assurant un bon drainage, ce qui était crucial pour les plantes succulentes et résistantes comme les sédums.
Aujourd'hui, ce type de projet fait partie de nos spécialités, notamment lorsqu'il s'agit de toitures complexes qui nécessitent des compétences techniques avancées que d'autres entreprises, ne maîtrisent pas toujours.
Le deuxième projet était un complexe immobilier à Gollion, l'un de mes plus gros mandats alors que j'étais encore jeune.
Gérer ce chantier de grande envergure a non seulement été une expérience formatrice, mais c'est également à cette époque que nous avons constitué Giammarino SA.
Ces deux expériences ont été déterminantes pour notre entreprise, nous permettant d'enrichir notre portfolio et d'asseoir notre réputation dans la région.
Grâce à ces projets, nous avons non seulement acquis des compétences techniques uniques, mais nous avons aussi renforcé notre capacité à gérer des projets complexes, ce qui a fortement contribué à notre notoriété.
8. “Chez Giammarino, le paysagisme est un art” : comment cela se traduit-il dans vos projets pour vos clients privés et publics ?
Chez Giammarino, le paysagisme est véritablement un art, et cela se reflète dans chaque projet que nous réalisons pour nos clients privés et publics.
Nous croyons que les espaces extérieurs ne sont pas simplement fonctionnels, mais qu’ils doivent incarner l’élégance, la créativité et l’harmonie, à l’image d’une véritable œuvre d’art.
Tout comme un tableau ou une sculpture embellit un intérieur, un jardin soigneusement conçu est une galerie à ciel ouvert. Que ce soit à travers une sculpture d'extérieur subtilement intégrée, un bonsaï soigneusement sculpté ou un arbre majestueux mis en lumière, nous cherchons à transformer les espaces en véritables œuvres vivantes. Chaque élément du jardin, chaque détail, qu’il s’agisse d’un chemin en pierre, d’un plan d’eau ou d’une haie vive, est pensé pour créer une émotion et une connexion avec la nature.
Mais l'art ne s’arrête pas aux objets ou aux éléments visuels supplémentaires.
Même sans une sculpture ou un arbre exceptionnel, le simple fait de travailler dans les règles de l'art, en respectant les proportions, la symétrie et la composition des espaces, est en soi une expression artistique. Nos jardins sont des espaces où chaque plante est sélectionnée et placée avec soin, où chaque ligne et chaque volume participent à l’harmonie générale.
Nous souhaitons inviter nos clients à rêver, à imaginer des jardins qui ne sont pas seulement des lieux de passage, mais des œuvres où l’on s’arrête, où l’on contemple, où l’on se reconnecte à la beauté de la nature. Nous créons des espaces qui deviennent des refuges esthétiques, des lieux de sérénité et d’émerveillement, où l’art rencontre la nature, tout en respectant les attentes et les rêves de chaque client.
Nous nous attachons à proposer cette vision à tous nos clients, qu’il s’agisse de projets privés ou publics, car nous croyons que chaque espace mérite d’être sublimé, pensé comme une œuvre unique, où la nature devient art, et où l’art devient un mode de vie.
9. Le paysagisme, une histoire de famille. Et pour vous ? Une opportunité ou une passion ?
Je dois admettre qu’enfant, le métier de mon père ne m’attirait pas particulièrement.
À qui voulait bien l’entendre, je disais que je ne suivrais pas cette voie : trop de contraintes, des conditions parfois difficiles, entre le froid glacial de l’hiver et la chaleur étouffante de l’été, sans compter les périodes de pluie incessantes. Ce métier me semblait bien loin de mes aspirations à l’époque.
Cependant, je me suis toujours passionné pour le dessin. Que ce soit à l’école ou dans mes moments de loisir, je dessinais sans cesse, laissant libre cours à mon imagination. Avec le temps, cette passion est devenue un véritable fil conducteur dans ma vie.
Puis, un jour, un proche m’a fait réaliser la valeur du travail accompli par mon père, et m’a interpellé sur l’opportunité unique de poursuivre ce qu’il avait bâti.
L’entreprise, alors connue sous le nom de Giammarino Pietro, représentait un héritage précieux, et cela m’a fait réfléchir.
C’est à ce moment-là que j’ai compris que je pouvais allier ma passion pour la création et le dessin avec la réalisation de jardins, en apportant ma propre vision à l’entreprise familiale.
Aujourd’hui, je considère comme un privilège de pouvoir vivre de ce que j’aime, tout en faisant perdurer cet héritage. Ce qui a commencé comme une opportunité s’est rapidement transformé en une véritable vocation.
Des décennies plus tard, cette passion continue de m’animer, et je suis fier de voir tout le chemin parcouru.